L’avenue de la Division du Texas à Die

par Sylvaine Laborde-Castex

La Division du Texas est une longue avenue qui marque l’entrée sud-est de la ville de Die. Cette avenue dont le nom est lié à un moment particulier de l’histoire de la ville peut résumer à elle seule quelques particularités de notre cité à la fois rurale, bourg-centre du Diois avec une vie culturelle riche.

Il fallait bien une avenue pour marquer une libération

Autrefois « Allée des Acacias », c’est le  31 août 1944 que cette avenue est nouvellement dénommée. Le conseil municipal de Die prend ce jour-là deux décisions importantes : la première débaptiser la grande rue (1) pour lui donner le nom d’un résistant, celui de Camille Buffardel (2) et la seconde d’honorer l’arrivée des premiers soldats américains à Die en donnant le nom de leur unité : « la division du Texas » à la première rue où ils sont entrés en ville. Die devenait ainsi la première ville « libérée » par les Américains en Drôme.     En effet, après le débarquement de Provence le 15 août 1944, les troupes américaines laissant aux français le soin de libérer les villes de Marseille et de Toulon, prennent la route des Alpes et remontent le plus rapidement possible par la vallée de la Durance. Le groupe Truscott (36e, 45e Division U.S Task Force Butler) a pour mission de rejoindre en moins de 90 jours Grenoble et Lyon. Il semblerait que le 21 août, le général Patch, commandant la VIIe armée américaine est fait opérer à la Division Butler un changement de direction. Ses troupes quittent la vallée des Alpes pour bifurquer en direction du Col de Cabre et rejoindre ainsi la vallée du Rhône. Auparavant, des éclaireurs avaient été envoyés en reconnaissance. C’est ainsi que la première jeep de la Division du Texas arrive à Die le 20 août 1944 vers 17h, 18h du soir. Ce jour-là M. Vigne photographe est là pour immortaliser ce moment. L’ensemble des troupes américaines défileront dans les rues de Die les jours suivants le 21 et le 22 août. Un film a même été tourné par Elie Brochier et M. Challaboud pour immortaliser le passage des chars « sherman », les GMC, les bulldozers, jeeps et les diois goûtant chocolat et chewing gum distribués par les G.I. Comme le note la délibération du 31 août 1944, la municipalité de Die souhaite « commémorer le passage des troupes américaines et notamment la Division du Texas qui a été la première à fouler victorieusement le sol Diois. Considérant que cette Division a fait son entrée en ville en empruntant la route nationale, avenue des Acacias – Viaduc, après avoir délibéré décide que, en témoignage de sa profonde gratitude envers les vaillantes armées américaines qui viennent libérer la France du joug allemand, et en particulier la glorieuse Division du Texas qui a libéré le Diois. La Partie de la route nationale comprise entre le Viaduc et les Acacias portera le nom de « Avenue de la Division du Texas ».

La jeep fait un premier arrêt devant la maison de la famille Roux. Des jeunes qui reviennent à bicyclette de la baignade se joignent au groupe. M. Vigne immortalise la scène. Sur cette photo : Jany Chirossel (au premier plan), Marcel Béranger (son cousin), Emile Genin (de dos), et M. Roux.

Une plaque

50 ans plus tard, le 20 août 1994, une plaque commémorant ce moment historique était apposée sur la maison de la famille Roux en présence des autorités municipales, des anciens résistants Roger Algoud et Jean Abonnenc.  Ce dernier levait un coin du voile pour expliquer pourquoi les alliés ont changé leur plan en août 44 et dévié vers le Diois. Il raconte que l’un des acteurs est le Colonel Francis Cammaerts « dit Roger », officier de liaison interallié dans le Vercors (4) qui après avoir quitté le Vercors vers le 5 août avec le colonel Zeller rencontre à Alger De Gaulle. « Celui dévoila le projet de débarquement dans le midi, dont l’objectif était d’attaquer l’ennemi par la vallée du Rhône. Zeller, que Francis Cammaerts avait convaincu dit à De Gaulle que ce serait une erreur, la voie Napoléon étant libérée par la Résistance. De Gaulle demanda alors à Zeller d’aller immédiatement le dire au général Patch… Le plan fut remanié 8 jours avant le Jour J. L’attaque de l’armée de Lattre par Toulon et Marseille serait maintenue, mais l’armée U.S qui passera par Digne, Sisteron constituera à Aspres un important dépôt de ravitaillement, passera par les cols de Grimone et de Cabre, créera un grand hôpital de campagne à Beaumont-en-Diois (3), arrivera à Die et Crest sans avoir à combattre » explique Abonnenc.

En effet la bataille aura lieu à Montélimar quelques jours plus tard. La XIXe armée allemande, renforcée par le redoutable 11 e panzer pense barrer la route aux alliés dans la vallée du Rhône. « Cette marche éclair et la déroute allemande dans la région de Montélimar s’inscrivent dans l’histoire comme une remarquable opération militaire due à l’extraordinaire logistique de cette armée moderne » commentait l’ancien résistant du Diois. Poursuivant « son succès fut rendu possible, grâce d’une part la destruction du pont de Livron par le commando de la résistance Henri Faure et par l’action des FFI, qui, à travers la Provence, les Alpes du Sud, le Diois, le Crestois avaient ouvert le passage à l’armée américaine »    

« Je maintiendray »

Sur cette avenue, on trouve une autre plaque commémorative. Cette plaque fixée en juin 1986 par des anciens du 14e CDJ rappelle le souvenir des chantiers de Jeunesse (5) installés à Die entre avril 1941 et janvier 1944 et notamment « le groupement 14 Duguesclin » et sa devise « Je maintiendray. La plaque est située sur le côté d’un mur extérieur, sur le pilier d’une entrée monumentale avec un escalier de pierres de taille réalisé par le groupement. Le PC du groupement était installé dans un vaste terrain « le Clos Lambert » situé au pied de la Tour de Purgnon (aujourd’hui lotissements Audra et des Eglises, la gendarmerie). Le groupement 14 était constitué de plusieurs groupes autonomes dispersés en ville au Martouret, à Ausson mais aussi à Romeyer, Montmaur (hameau des Bâties au pied du Col de Royer), puis à Poyols, Miscon, à Beaumont-en-Diois et un groupe au hameau de l’Eglise à Creyers. Installés sous des tentes, les jeunes ont rapidement construit des baraquements pour structurer leurs camps. Une école des cadres spécialisée dans la formation des chefs d’équipe se met en place à Die au Château de Chamarges en septembre 1941.

Outre l’activité propre au chantier, le travail prévu pour les jeunes consiste à réaliser des travaux de forestage (coupe de bois ou charbonnage), des travaux agricoles… Les jeunes des chantiers de jeunesse ont participé à plusieurs actions de solidarité : journée d’aide aux réfugiés en novembre 1941 (coupe de bois pour les familles réfugiées à Die, Noël des séparés, curage du canal d’irrigation de Saillans en avril 1943 mais aussi des animations (chorales, pièces de théâtre…). Le groupement 14 sera officiellement dissous le 16 novembre 1943 et la majeure partie des groupes seront déplacés dans les Landes. En effet, il semble que le groupement 14 ait eu un taux important de défections dans ses effectifs lors de la mise en place du Service du Travail Obligatoire (STO) vers l’Allemagne. On peut penser que les autorités ne souhaitaient plus maintenir une structure aussi importante au pied du Vercors où l’appel vers la Résistance était tentant pour ces jeunes.

  Des acacias aux platanes

Autrefois bordée d’acacias, l’avenue a aujourd’hui une belle allée de platanes. Les acacias ont été abattus pendant la première guerre mondiale pour faire du bois de chauffage, face à la pénurie de combustible. Autrefois la route des Alpes étaient aussi une promenade pour les Diois.

Des équipements publics

Dans cette longue avenue, plusieurs équipements publics, comme le cinéma le Pestel, la gendarmerie, la médiathèque ont trouvé une nouvelle adresse après avoir quitté des bâtiments obsolètes en centre-ville.    

La gendarmerie de Die

S’installe au n° 23 au milieu de l’année 1974. La caserne était auparavant Boulevard Adolphe Ferrier. Sont à la fois construit un immeuble pour loger les gendarmes et des bureaux pour l’activité de la brigade et de la Compagnie. Les officiers de la Compagnie quitteront Die pour Crest où le groupement de commandement déplace ses bureaux en août 2018. La Cie perd alors

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son nom pour devenir celle de Crest.  La brigade de Recherche avait déjà déménagé en 2015. Reste depuis à Die, la brigade de proximité et la communauté de brigades du Diois (COB).  

Le Cinéma le Pestel

De l’autre côté de la rue, on observe un beau bâtiment qui habite le cinéma le Pestel (Il tient son nom d’un rocher de Glandasse auquel il fait face). Die a connu plusieurs salles de cinéma au début du XXe siècle jusqu’à la construction du Pestel.  Le bâtiment est construit d’après les plans de l’architecte valentinois M. Brunel et par l’entreprise de maçonnerie locale de Lucien Bertrand. La salle est inaugurée en juin 1943. Plusieurs propriétaires se sont succédé (Grasset, Girard) et gestionnaires (M. Porte) avant que la ville de Die ne rachète le cinéma en 1983. En 1988, la municipalité confie la gestion à du cinéma à Kate Henry-Savalle et Gérard Henry. Après le départ de Kate, en avril 2015, à l’issu d’une nouvelle délégation de service public (DSP), Jean-Pierre Surles devient le nouveau directeur. En 2019, ce cinéma au label « Art et Essais » a battu son record d’entrées avec plus de 38 000 billets vendus.

Le rocher du jumelage

Ce bloc de pierre venu tout droit de Louisendorf en Allemagne est le symbole du jumelage entre Die et sa jumelle « Frankenau-Louisendorf ». Il marque l’entrée de la place Louisendorf baptisée en 1991, année officielle du jumelage entre les deux cités. Les liens entre les deux villes sont anciens. A la révocation de l’Edit de Nantes en 1685, de nombreuses familles protestantes du Diois ont émigré dans d’autres pays où la liberté de religion leur était offerte.

Plusieurs familles originaires du Diois vont s’installer en 1687 dans la région de la Hesse où le Prince leur attribue un territoire. Elles décident de baptiser leur village « Louisendorf ». Le hameau sera rattaché plus tard à la ville de Frankenau. Après des premiers contacts en 1950 entre des diois et des descendants des huguenots, les échanges entre les deux villes vont se multiplier depuis 1972. La ville jumelle allemande s’est même jumelée avec Wirksworth en 2009, la ville jumelle anglaise de Die, offrant un jumelage tripartite.

La médiathèque départementale

C’est en 1988 que la médiathèque Diois-Vercors déménage avenue de la Division du Texas (elle partageait auparavant avec le Musée de Die, un étage du bâtiment Joseph Reynaud, rue Camille Buffardel). Avant son réaménagement par le département le bâtiment fut d’abord une cimenterie, puis un garage.      

Un ancien garage

Drôle de rond rouge qui orne la façade qui rappelle qu’autrefois un garage occupait cette petite maisonnette.

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Notes

1- La Grande Rue était dénommée rue Nationale de 1883 à 1941 où elle porte pendant la guerre le nom du chef de l’Etat Français. 2- Camille Buffardel a été assassiné le 23 juillet 1944 par des miliciens à la solde des nazis. Premier adjoint de la ville de Die, résistant, il était membre du groupe Baudet. L’armée allemande a occupé Die du 21 juillet au 7 août 1944. 3-Lire à ce propos l’article de Philippe Planel « Un hôpital sous tente à Beaumont-en-Diois » Chroniques du Diois n°25. Juillet 2016. 4- Philippe Planel a réalisé un portrait de Francis Cammaerts (1916-2006) dans le n°26 des Chroniques du Diois. Décembre 2016. 5- L’idée des chantiers de jeunesse est née en juillet 1940, au moment de la défaite, avec dans la tête de ses initiateurs la volonté « de donner un complément de formation physique, morale et civique, destiné à permettre de reprendre rapidement, le moment venu, une place dans le relèvement de la France meurtrie et humiliée ». Cette « éducation » s’effectuait dans des campements autour d’unités « ne dépassant pas 2000 hommes, en pleine nature, au milieu des bois, à l’abri de toute cause de trouble ou d’agitation et de les occuper à des travaux d’intérêt général ». L’année suivante, les jeunes hommes incorporés en juin 1940 relevés de leur obligation militaire intégraient ce qui devient alors les chantiers de jeunesse. De 6 mois au début, en janvier 1941, la période de service civil obligatoire passe à 8 mois.   Sources Journal de Die du 12 juin 1943 « ouverture du cinéma le Pestel ». Journal du Diois du 21 décembre 1974 « Trente ans après » J. X. Chirousel. « 1944 – Die au fil des jours » Henri Audra Journal du Diois du décembre Journal du Diois du avril 1975 Journal du Diois du 22 juillet 1994 « De la Résistance à la libération Diois-Vallée de la Drôme » M. Bonniot Journal du Diois du 26 août et 2 septembre 1994 « Commémoration : les Américains à Die » VEYER Jean, Souvenirs sur la Résistance Dioise 1941 – 1944 Collectif, Die Histoire d’une cité Ed. Patrimoine de la vallée de la Drôme. Petit-Historique de Diois-Jumelages 1688 à 2015 réalisé par Annette et Pierre Martin. Collectif. Images et regard sur Die par les cartes postales et les photographies anciennes. Dea Augusta. Die 2014. Amicale des Anciens du 14e CJF « Le groupement 14 Duguesclin », histoire du groupement racontée par les anciens. Marseille, 1995.

Le passage des troupes américaines à Die

Dodge de l’armée américaine à l’angle de la rue du Viaduc et de la rue de l’Armellerie

Extrait de « 1944 – Die au fil des jours » de Henri Audra publié dans le Journal du Diois du 22 mars 1975.

«En effet, vers 8 heures du soir, on me dit : « Il parait que les Américains sont à Lus-la-Croix-Haute ». (On le disait dans tous les cafés de la ville depuis quelques instants). Un camion de dissidents serait arrivé de Lus, puis une auto et on aurait dit à Pont-de-Quart que les Américains, avec des blindés étaient à Lus-la-Croix-haute (on me dit 600 tanks, une autre dit 60). Une autre parle d’une soixantaine d’autos blindées). Quand les dissidents annoncent la chose à Pont-de-Quart, nouvelle qui est, comme l’on pense, rapidement transportée à Die. Les gens commencent à rire, disant que c’est une galéjade. Mais ils affirment que c’est exact et qu’ils ne plaisantent pas. (On dit même que ce camion de dissidents vient à Die pour y chercher de la clairette pour les Américains ! Elle a tout de même un succès fou cette clairette de Die ! Entre les Allemands et les Américains ! Il n’en restera  plus pour nous ! On ajoute que la colonne américaine de Lus va poursuivre sa marche pour aller « attaquer » Grenoble (je trouve le mot un peu fort car j’ai bien l’impression qu’il n’y a plus beaucoup d’Allemands par là). Mais les évènements iront décidément très vite aujourd’hui !… A huit heures et demi du soir nous sommes chez mes parents et nous voyons tout à coup des gens s’agiter, aller, venir, courir, tout du côté de la rue Nationale, avec des mines réjouies. Sûrement il ne s’agit pas d’un retour des Allemands à Die ! Je dis, presque en plaisantant : « Sûrement les Américains viennent d’arriver ! » Tout de même il faut aller voir ! Et, en effet, devant le coiffeur Albert il y un camion et un attroupement qui barrent complètement la rue. Par dessus les têtes des gens pressés les uns contre les autres émerge un casque américain agrémenté d’un carré d’étoffe avec des bandes blanches et rouges. Pour arriver à vie quelque chose je grimpe sur le camion (de la dissidence) contre lequel est arrêtée une autre auto militaire américaine dont il est impossible de rien distinguer tant elle est entourée de femmes, d’enfants, d’hommes. Il y a trois Américains (dont l’un a une superbe chevelure rouge carotte) et celui qui est coiffé du casque américain caractérise consulte une superbe carte routière « made in U.S.A. » (dont je voudrais bien avoir un exemplaire car elle m’a l’air d’être encore mieux faite que les cartes Michelin, si c’est possible !). Les Diois, à peine revenus de l’abrutissement de quatre ans de régime « à l’eau de Vichy » et d’un mois d’occupation allemande n’en croient presque pas encore leurs yeux ! Pourtant il n’y a pas de doute, le fait est là, c’est bien eux !… Chacun cherche à s’approcher des Américains pour les toucher, leur parler s’il y a moyen. Mais voilà, il n’y a pas moyen tellement ils sont entourés ! Le « Yankee » au casque recueille les renseignements qu’on lui donne sur la région, les routes, les Allemands, sans doute, ou plutôt il essaie de les prendre tellement les gens font de bruit autour d’eux. On leur offre de la clairette, ils ont l’air de l’apprécier, mais ils refusent un deuxième verre (ils ne doivent plus être « secs » car je présume que tout le long de la route ils n’ont dû manquer de rien au point de vie de la boisson !) Avant de boire ils lèvent leur verre à la santé des Diois et on les applaudit. On sent que c’est spontané et que les gens, à peine revenues de leur engourdissement, recommencent à s’émouvoir et à s’apercevoir que c’est tout de même vrai, et qu’on va enfin recommencer à vivre, vraiment ! Il y a deux ou trois jeunes de l’A.S. qui leur donnent des explications et aussi un jeune, en tenue kaki avec un galon en forme de gamma minuscule, un aspirant peut-être) et une décoration blanche avec raies rouges verticales. Il parait que c’est un jeune anglais qui est ici depuis quelques jours et il dit à quelques personnes : « vous voyez tout de même qu’ils sont venus ! » (Il y avait tant d’incrédules après tant d’attente et de déboires). (Remarqué sur la voiture américaine une antenne en forme de canne à pêche, en position repliée, recourbée, attachée par la pointe à l’arrière de l’auto) Lorsqu’ils ont les renseignements voulus les Américains s’installent dans leur véhicule, donnent quelques coups de klaxon pour faire écarter les gens et s’en vont du côté d’en bas. Je crois qu’ils continuent vers Saillans et à part moi je trouve cela risqué… ils pourraient tout de même tomber sur des Allemands un peu plus loin ?… Une femme laisse échapper naïvement un cri du cœur (Mme Gresse) « Mon Dieu ! Les pauvres petits ! Pourvu qu’il ne leur arrive rien !… S’ils « rencontraient » des avions allemands en route ! » (J’apprends après qu’ils ont simplement descendu un peu en ville pour tourner et qu’ils sont remontés vers Pont-de-Quart, sans doute pour faire leur rapport à leur colonne). Nous allons sans doute en voir d’autres dans les jours qui vont suivre, et puis il viendra sans doute aussi des Français. Des vrais ! Ce qui changera un peu de la clique de Vichy, de la Milice, des G.M.R, des Allemands et du reste !… Bon Dieu ! On va enfin respirer un peu ! (Journée très chaude, lourde, air étouffant, orageux. Le ciel se couvre dans l’après-midi. L’orage semble proche, mais pour ne pas changer il ne pleut pas et le soir le ciel est comme étoilé comme tous ces jours-ci). »

Char de l’armée américaine à l’angle de la rue du Viaduc et de la rue de l’Armellerie

Extrait de « 1944 – Die au fil des jours » de Henri Audra publié dans le Journal du Diois du 12 avril 1975.

22 août « Le défilé des troupes américaines continue mais avec moins d’intensité et plus irrégulièrement qu’hier. Vers 8 heures du matin passent quelques pièces d’artillerie lourde derrière tracteurs à six roues (155 courts) ou derrière chenilles… Le soir (à 20h) nous allons voir un tank (32t.) qui s’est arrêté dans la cour du garage Brunel pour réparation (changement de bandes de caoutchouc) et qui a un succès fou. Toute la ville défile pour le voir. Les américains, tous jeunes sympathiques, complaisants, donnent toutes les explications que l’on veut, chacun faisant appel à ses connaissances d’anglais pour arriver à s’entendre. Le chef du char est un grand, jeune blond, très chic qui est du Texas et n’a pas vu sa femme depuis quatre ans !… Ils ont même fait l’Afrique du Nord, l’Italie. Nous échangeons avec eux des œufs contre des cigarettes. Ils déclarent à une dame qui parle bien l’anglais qu’ils n’aiment pas les Anglais mais beaucoup les français et qu’ils « travaillent » bien ensemble. Ils estiment beaucoup de Gaulle et disent qu’il est aujourd’hui à Saint-Raphaël ».     

Extrait de « Souvenirs sur la Résistance Dioise » de Jean Veyer  

20 août « 18 heures : flânant sur la place Saint-Marcel, j’ai la chance d’assister à l’arrivée de la première jeep de la Task Force, montée par trois jeunes hommes au visage tendu, reclus de fatigue. Ils ont dû passer par Veynes et le Col de Cabre. La manœuvre américaine vise de toute évidence à suivre la Nationale 93 jusqu’au Rhône, pour couper la retraite aux Allemands, remontant du midi. J’essaie d’engager la conversation avec l’un des G.I, jeune homme maigre portant lunettes et gardant un air très intellectuel sous son casque. Hélas, il ne sait pas le Français. Et mon anglais approximatif arrive tout juste à lui faire comprendre qu’il n’y a plus d’Allemands dans la ville, ni dans la région, depuis le 8 août. »   21 août « 11 heures : la colonne américaine défile depuis ce matin, traversant la ville en direction de Crest. C’est un déploiement de force extraordinaire. Les blindés se succèdent sans arrêt. Il y a aussi beaucoup d’artillerie tractée. Les hommes debout sur les véhicules, saluent la population massée le long de la rue Nationale qui les acclame et se précipite sur les bonbons et les morceaux de chocolats qu’ils s’amusent à jeter aux enfants. Tous font, en souriant le signe V avec leurs doigts. Ils regardent évidement beaucoup du côté des jeunes filles, qui envoient force baisers. »   22 août « Des chars , toujours des chars… »

Char de l’armée américaine à l’angle de la rue du Viaduc et de la rue de l’Armellerie

Extrait de « Trente ans après » souvenirs de jeunesse de J.X Chirossel publié dans le Journal de Die du 21 décembre 1974.  

« Dans mon souvenir, cette photo a été faire le 18 août (1) vers 5 ou 6 hures du soir; Nous étions 4 jeunes qui revenions à bicyclette de la baignade du barrage. On me reconnaît très bien à gauche, à côté de mon cousin Marcel Béranger. A droite, de dos, M. Genin (l’expert comptable) et M. Roux (des ACACIAS). Dès le lendemain, arrivaient les premiers chars. Je me souviens que ce 19 août les colonnes motorisées se sont succédé, mais assez espacées (de 3/4 d’heure parfois). Entre 12 et 13h deux chars Patton se sont arrêtés à St-Pierre, l’un devant le café Meyzenc, l’autre devant la maison Dumaine. Un command-car est sous le marronnier. Je suis moi-même tout près contre le lavoir. Soudain, un coup de gueule est lancé par le radio du command-car. Les hommes des chars bondissent vers leurs engins, mettent les mitrailleuses en batterie vers le ciel et, dans la minute suivante deux avions vrombissent très bas, l’un à droite et l’autre à gauche de l’avenue de la Gare. Les chars tirent, mais sans succès. »

Note

(1) Trente ans après les souvenirs des témoins qui ont participé à ce moment d’histoire son flou et inexacte. J. Chirossel écrit ses souvenirs 30 ans après, il parle de la date du 18 août, s’appuyant sur une date inscrite sur le vélo de son amie. Cet article fait réponse à un celui de Jean Veyer « un point d’histoire, la date exacte de l’entrée des troupes américaines à Die » daté du 31août/3 septembre de la même année. Jean Veyer avouant s’être trompé dans son livre sur la date du passage des américains à Die, avance lui aussi la date du 17 ou 18 août. En publiant au début de l’année 1975, son journal de 1944 Henry Audra confirme que le passage des troupes américaines à Die est bien le 20 août (soit 5 jours après le débarquement en Provence). Il précise que les notes inscrites dans son carnet, l’ont été au jour le jour en 1944 et pas trente ans après

Petite bibliographie dioise par Emmanuel Poujol

Ces journées de confinement incitent à se replonger dans ses cartons ou mieux dans sa bibliothèque. Parmi les livres poussiéreux, de petits trésors réapparaissent après quelques décennies d’oublis. Un ouvrage intitulé « Veillées populaires en Diois » écrit et publié en 1983 par Roland de la Platière auteur entre autres de « Jadis les Voconces » sort du lot. « On dit que les fables sont des histoires désuètes ; on dit que les contes ne servent qu’à endormir les enfants ; on dit que les légendes ne sont que les radotages du temps qui passe ; et on dit ainsi sérieusement beaucoup d’autres bêtises, car vouloir enlever tout merveilleux de notre vie, c’est vouloir faire de celle-ci un désert stérile dans lequel il n’y aurait même plus une oasis pour se rafraîchir l’esprit. » Le ton est donné et se succèdent quinze succulentes petites histoires aussi charmantes les unes que les autres. Étonnamment, elles n’ont pas de titre laissant libre choix au lecteur d’en inventer un.  Voici quelques extraits : « Le Diois, c’est le pays où le Dauphiné fait de l’œil à la Provence, où le Nord vient se faire bronzer au Sud et où ce coquin de soleil fait une cour caressante aux vaporeuses edelweiss. »

« Les montagnes étaient entièrement recouvertes par de brillantes forêts de hêtres entrecoupées en plusieurs endroits par de fraîches et luxuriantes clairières. Tout au fond des gorges, le rocher de la Dent de Die, sans doute tombé de la bouche d’un géant, émergeait verticalement de la haute futaie de sapins qui le pressait de toutes parts. Au-dessus de ce menhir naturel, s’élevaient enfin les vertigineux escarpements blanchâtres du Glandasse qui paraissaient vouloir soutenir à eux seuls tout l’azur du ciel. » « Ainsi, la Meyrosse va se jeter dans la Drôme, laquelle va se jeter dans le Rhône, lequel à son tour va se jeter dans la mer. Et si un jour vous allez vous promener le long du rivage doré de la grande bleue, approchez-vous tout près de la mer et ouvrez bien grandes vos oreilles. Vous entendrez alors comme un vague murmure ou plutôt comme un chuchotement de voix lointaines qui semble arriver du fin fond des eaux : eh bien, ce murmure, ce chuchotement, c’est tout simplement le Drôme et la Meyrosse qui continuent à se quereller jusque dans la mer. »

Pour ne pas oublier le son de l’orgue…

Pour ne pas oublier le son de l’orgue de la cathédrale de Die en attendant la réouverture du monument au public et en complément de l’article ci-après, nous vous proposons un extrait du mouvement 1 de la Toccata et fugue en ré mineur, BWV 565, écrite par J-S BACH entre 1703 et 1707. C’est l’œuvre pour orgue la plus connue au monde. Son nom « Toccata » vient de l’italien Toccare qui signifie « toucher »

Extrait de la TOCCATA de J-S BACH – mouvement 1 – interprété sur l’orgue de la cathédrale de Die

L’ORGUE DE LA CATHÉDRALE DE DIE : UNE MERVEILLE DE MÉCANIQUE ARTISANALE

Il pourrait fonctionner avec un levier en bois qu’on lève et qu’on descend.  Il envoie l’air dans l’énorme réservoir en peau qui se plie et se déplie (style accordéon)il y a quand même maintenant un moteur électrique à pompe qui évite la main d’œuvre du levier!!!! Le but mécanique est :que l’air du réservoir soit propulsé dans les 500 tuyaux posés sur deux sommiers à trous, par l’intermédiaire de vergettes : petites bras articulés en cuir et en bois, actionnées par certaines touches des deux claviers (de 54 et 37 touches)et du pédalier(27touches) , et des 10 registres ( manettes que l’on peut tirer pour actionner certains jeux de tuyaux( et pas d’autres) Sous chaque tuyau , une soupape à ressort permet ( grâce à la vergette )l’entrée de l’air dans le tuyau désiré…..

Vue partielle de la tuyauterie de l’orgue de la cathédrale de Die

LE RÉSULTAT SONORE EST MERVEILLEUX

grâce à l’entreprise DAUBLAINE CALLINET qui l’a construit en 1845 , entreprise de grande qualité mécanique sérieuse , puis l’entreprise a été reprise par le génial facteur d’orgue de renommée européenne JOSEPH MERKLIN qui a installé l’orgue à Die en 1888, a rajouté le jeu de flûte harmonique ,de gambe et de voix célestes, et a réharmonisé l’orgue au diapason moderne .c’est ainsi que grâce au sérieux de ceux qui l’ont construit , l’orgue fonctionne encore!!!

DU FAIT DE L’ESTHÉTIQUE TRÈS ABOUTIE

de cet instrument, on peut jouer sur cet orgue TOUTES SORTES DE MUSIQUES, UN VASTE RÉPERTOIRE: musiques anciennes médiévales, musiques française de Couperin ,de JSBach ,de Mozart ,des romantiques , des improvisations contemporaines , du jazz , etc…….caractère rond et chaleureux de certains jeux , et jeux brillants , tutti comme orchestral majestueux ,amplifié par l’acoustique merveilleuse de cette cathédrale : au total 10 registres avec possibilité d’en accoupler : par de multiples combinaisons: Deux jeux de bourdon ( très doux tuyaux en bois) Un de flûte ,de montre ,de hautbois ,( en métal et de différents formes!!) Gambe et voix célestes ( jeux d’ambiance) Clairon et prestant ( jeux aigus de 4 pieds) Trompette ( jeu puissant, musiques de Louis 14 et musiques contemporaines) Quel formidable instrument orchestral !!!!!!

Le buffet d’orgue

MAIS , L’ORGUE NE FONCTIONNE QU’À 30% DE SES POSSIBILITES !!!!!!!

Une très sérieuse restauration a été demandée par tous , c’est pourquoi nous travaillons activement même en ce moment de confinement , sur les dossiers de restauration….avec la mairie de Die , l’Association des orgues Drôme Ardèche, le département, la région , l’état , et grâce à un grand nombre de souscripteurs , ,l’orgue pourra être dépoussiéré, moteur et réservoir remplacés , Tuyaux décabossés ,mécanique subtile revue ,touches usées remplacées…..des tuyaux de basses à la pédale ajoutés……etc……

UN JOYAU À ÉCOUTER ET À REGARDER ,

car on peut voir le mécanisme extraordinaire en ouvrant les panneaux de bois du buffet qui cachent l’ensemble de la mécanique…… Dès que la cathédrale sera ouverte , l’orgue fonctionnera tous les jours à 11h le matin!!!!venez en profiter , la cathédrale est grande!!!!!!!

les auteurs : Monique Cieren , organiste , et présidente des Amis de l’Orgue À Die – Albert Lang organiste – Judith Cailliet organiste liturgique – Sophie Morel organiste et trésorière – Marie Florine Bruneau secrétaire – Les Amis de l’Orgue à Die

Le « confinement » du Dauphiné en 1720 face à l’épidémie dite « Peste de Marseille »

par Christian Rey

Nous vous proposons aujourd’hui un rapide survol des mesures prises dans la vallée de la Drôme pour faire face à la progression de l’épidémie de peste dite « de Marseille », entre 1720 et 1723. Il ne s’agit pas d’un inventaire exhaustif mais d’une simple « évocation » réalisée à partir de petites notes prises lors de nos différentes visites aux archives départementales ces dernières années… 

Un rapide rappel des faits

Le 14 mai 1720 le Grand Saint-Antoine, navire de commerce chargé d’étoffes et de balles de coton en provenance d’Asie arrive dans l’archipel du Frioul, à proximité de Marseille. Pendant le voyage il a fait escale dans plusieurs ports ou sévissait une épidémie de peste. La cargaison appartient au capitaine Château ainsi qu’à plusieurs notables dont l’échevin Estelle, les historiens s’accordent aujourd’hui à dire que c’est par appât du gain que le bateau n’a pas été mis en quarantaine comme c’était alors l’usage, et que le chargement a été débarqué au bout de quatre jours seulement pour alimenter au plus vite le marché de Beaucaire. L’équipage restera confiné une vingtaine de jours sur l’ile de Jarre, mais le mal était fait : la peste était dans Marseille ou les morts vont se succéder à partir du 20 juin.  Ce n’est toutefois que le 9 juillet que les médecins suspectant une épidémie de peste, alertent les autorités. Afin de protéger le commerce, la municipalité marseillaise va cacher la gravité des faits. Un médecin nommé Peyronnel prendra l’initiative d’avertir du danger les villes voisines et un véritable cordon sanitaire va s’organiser aux frontières de la Provence. Le 14 septembre le conseil du Roi  décide la mise en quarantaine de la Provence afin  d’éviter la propagation de l’épidémie, ces mesures s’appliquant principalement aux voyageurs et aux marchandises. Rapidement les Etats pontificaux vont protéger le comtat Venaissin en ordonnant la construction d’un mur en pierres sèches de 27 kilomètres, un autre ouvrage sera réalisé en mars 1721 entre la Durance et le Ventoux  afin d’empêcher toute relation entre le Comtat et le Dauphiné encore épargné par la maladie. L’épidémie s’acheva en 1722 après avoir provoqué la mort de près du tiers de la population provençale.

rapport sur l’épidémie de Marseille rédigé en 1720 par le docteur Bertrand.
ramassage des corps dans les rues de Marseille, estampe d’époque

Les mesures prises en Dauphiné

Dès le 8 août 1720 la Cour de Parlement, aydes et finances de Dauphiné prend un arrêt interdisant à tous les habitants de Provence « d’introduire dans la province aucun bestiaux, ni marchandises, ni d’y entrer, à peine de la vie et de confiscation desdites marchandises ». A la suite  est précisée l’interdiction faite aux habitants du Dauphiné de recevoir des voyageurs ou marchandises originaires de Provence sous peine de « punitions corporelles ». L’arrêt ordonnait également que les officiers municipaux des villes, bourgs et villages d’établir et nommer des personnes pour veiller à « la conservation de la santé », lesquels « feront garder les villes, bourgs et communautés…»  Aux maitres des bureaux de postes  fut ordonné de « faire parfumer les paquets et lettres qui viendront de Provence avant de les distribuer aux particuliers à qui elles seront adressées ». Enfin un certificat de santé a été rendu obligatoire pour tous les Dauphinois souhaitant se déplacer « d’un lieu à un autre ».

Première page de l’arrêt du Parlement de Dauphiné pris le 8 août 1720 pour protéger la province de la contamination

L’application de l’arrêt au niveau local

Chaque communauté, quel qu’en soit la taille était tenue d’appliquer sans délai les mesures prescrites par l’arrêt du Parlement. A titre d’exemple –les mesures actuelles de confinement ne nous permettant pas de consulter les archives municipales de Die- voici à partir d’un document numérisé conservé au Musée de Die, les mesures prises le 5 septembre 1720 par la ville de Crest. Tous les habitants furent assujettis à tour de rôle à la garde des portes de la ville, y compris « les ecclésiastiques, nobles et autres qui peuvent être exempts de garde » sous peine de « procès verbal et porté-plainte à Monseigneur le comte de Médavy (1) », alors commandant en chef des provinces de Dauphiné et de Provence. L’article 5 de ce règlement précise que «Sera  l’entrée de ladite ville absolument défendue et empêchée par ceux qui en feront la garde, à tous pauvres mendiants, vagabonds, gens sans aveu, où  d’une figure suspecte, qu’ils ne laisseront pas même approcher… » Ces mesures s’appliquaient également aux « étrangers ou même originaires de ladite ville (Crest) lesquels après s’être absentés ne seront munis de certificats de santé en bonne forme, justifiants des lieux d’où ils viennent et du séjour qu’ils y auront fait, et dument visés dans les autres lieux où ils auront passé. » L’épidémie se répandant depuis la Provence des dispositions particulières furent prises, ainsi les  voyageurs de cette province, même munis d’un certificat de santé, devaient être empêchés d’entrer en ville jusqu’à ce que le conseil de santé ait statué sur leur sort.  Une attention particulière fut portée sur le contrôle des marchandises et les « hardes, nipes, paquets et marchandises » non justifiés par un certificat officiel devaient être saisis  et détruits si le conseil de santé le décidait. Le règlement produit par les membres du conseil de santé de Crest prévoyait également des mesures administratives. Ainsi étaient précisées les modalités de délivrance des certificats de santé au profit des Crestois  qui souhaitaient se déplacer, ou encore l’interdiction faites a tous les « hôtes, aubergistes et cabaretiers, de recevoir et loger chez eux  aucuns étrangers connus ou inconnus, qui n’auront pas de certificat en la forme définie, sous peine de 50 libres d’amende et d’être mis en quarantaine, eux et leurs familles, dans les lieux qui seront désignés… »

Entête du règlement du conseil de santé de Crest publié le 5 septembre 1720

L’article 12 constituait un appel à la délation « Il est très expressément ordonné à tous les habitants qui pourraient en avoir connaissance, et nommément aux voisins des maisons et lieux, ou telles personnes et effets seraient recelés, d’en avertir incessamment le conseil de santé, à peine de répondre en leur propre de la contravention et des événements, … ». Concernant le courrier et les colis transmis par le service postal de l’époque, le L’hygiène des rues fut renforcée pendant cette période. Les habitants furent contraints « de tenir nettes leurs rues, ruelles et culs de sacs,  d’en enlever les fumiers et de les transporter hors de la ville dans les trois  jours suivant la publication du règlement… »  Fut également défendu de « jeter et souffrir qu’il soit jeté par les fenêtres et portes, aucunes ordures, ni saletés, dans les rues, ni de  laver  aucunes choses dans les fontaines publiques… » Le commerce des animaux de boucherie fut soumis à une surveillance renforcée. Il fut interdit aux particuliers de faire entrer des bestiaux en ville, sauf pour les bouchers, sous réserve que les animaux aient été auparavant visités par le conseil de santé. Quant aux Crestois qui élevaient des cochons à leur domicile, ils furent tenus d’empêcher qu’ils sortent des habitions pour parcourir les rues de la ville « depuis les sept heures du matin jusqu’à sept heures du soir, à peine de confiscation desdits cochons au profit dudit hôpital ». La distribution du courrier, lettes et colis, pouvait présenter un risque aussi le sieur Chambert, maître apothicaire, et le sieur Bayot, procureur et conseiller du conseil de santé furent chargés de  les « parfumer »  avant d’en autoriser la distribution, on pensait ainsi éviter la transmission de la maladie. Pour suivre régulièrement l’application de ces différentes  mesures le Conseil de Santé se réunissait tous les lundis et tous les jeudis en l’hôtel de ville à huit heures du matin « et plus souvent s’il est besoin ». Les huissiers, sergents, équivalent de notre police municipale actuelle,  ainsi que les personnes affectées à la garde des portes de la ville étaient tenus « d’obéir et de prêter main forte au conseil de santé et à ses conseillers » à la moindre réquisition sous peine de cent livres d’amende et d’un emprisonnement immédiat en cas de refus. Le règlement fut approuvé par le Comte de Medavy, commandant militaire du Dauphiné et de la Provence.

Autres traces dans les Archives

La peste de Marseille a laissé de nombreuses traces dans les archives, ainsi  le règlement de la vente, du tirage, de la fabrique et du commerce des soies (1721-1722) (Add C 9) ou encore l’ordonnance du juge mage de Valence pour prévenir la peste et qui prévoit notamment que « les curés et autres prêtres et religieux, médecins, apothicaires et chirurgiens de Valence ne pourront aller visiter ni assister aucuns malades qu’au préalable qu’ils aient été vus et visités par Gaspard Durand et Esprit Boitel, maitres chirurgiens commis au fait de la santé. » (Add B 13) D’autres documents attestent que de nombreux drômois furent réquisitionnés pour assurer la garde  non seulement des villages mais également des points de contrôles établis sur plusieurs grandes routes, ainsi la commune d’Eurre qui envoya 28 hommes pour « garder les nouveaux postes établis le long du Rhône, entre l’Isère et la Drôme en 1721 » (Add E 13772). A Piégros-Laclastre on désigna deux hommes pour garder le village et on en envoya un sur la ligne de santé de Mirabel aux Baronnies le 23 mars 1721 (Add E 14095). Le village de Barsac créa son propre conseil de santé le 16 octobre 1720 « à cause des bruit de peste » (Add E 14222) .A Valdrôme on décida le 1er novembre 1720 d’établir des barrières autour du village (Add E 14592) puis en 1722 on envoya des hommes garder la ligne de santé de Mérindol (Add E 14617). Vercheny décida le 9 août 1720 de « défendre à toute personne, et surtout à Isaac Taillotte, fermier de la Bégude du Gap, de recevoir qui que ce soit sans billet de santé, à cause de la peste de Marseille » (Add E 14945). La garde de santé de la Motte Chalancon comprenait 12 personnes en 1720 (Add E 14569). Bourdeaux fut sollicité pour fournir des hommes à la ligne de santé établie à Suze-la-Rousse en 1720 puis à Mirabel-aux-Baronnies l’année suivante (Add E 12691). A Châtillon, un conseil de santé fut établi le 6 octobre 1720 « à cause de la peste de Marseille » (Add E 12799) Beaufort-sur-Gervanne envoya en 1720 un homme garder la ligne de santé de Mirabel et fit garder le village par quatre habitants, l’année suivante 2 hommes partirent pur Saint-Maurice-sur-Eygues le 19 septembre (Add E 13553 et 13554). En 1722 c’est la Bâtie-des-Fonts qui envoya un homme dans les Baronnies (Add  E 14457).

tracé du « Mur de l peste » édifié entre 1720 et 1722 pour limiter la propagation de l’épidémie dans le nord de la Provence et vers le Dauphiné. De nombreux drômois se relayèrent pour en assurer la surveillance

note

(1) Jacques Eléonor Rouxel, comte de Grancey et baron de Médavy, né le 31 mai 1655, décédé le 6 novembre 1725, élevé à la dignité de Maréchal de France en 1724 fut pourvu au commandement en chef des provinces de Dauphiné et de Provence en 1714. En 1720 il fut chargé  avec succès de la lutte contre la Peste dite de Marseille.