LA PESTE A DIE en 1507

Par le Chanoine Ulysse Chevalier

Nous vous proposons aujourd’hui  la transcription  intégrale d’un texte du chanoine Chevallier relatif à l’épidémie de peste qui se manifesta à Die en 1507. Ce texte est extrait du tome II de son Essai historique sur l’église et la ville de Die

« L’année 1507 laissa de tristes souvenirs. Le 3 février furent créés syndics Antoine Bolard, bachelier en l’un et l’autre droit, et Etienne Masseron, marchand. Dès leur entrée en charge, ils durent se préoccuper des mesures  à prendre pour préserver la ville de l’invasion de la peste, qui sévissait à Romans, à Montélimar, à Valence, et qui venait de faire son apparition à Saillans. On réclama au doyen Jacques Roy les clés de la porte Bornenche ; on ferma la porte de Romeyer et les brèches des remparts. On renouvela les conventions avec le médecin Jacques Cabrières. Le 19 mars, un certain Barthélémy Bonnet, qui était allé à Montélimar, dut à son retour commencer une quarantaine, avant de pouvoir entrer dans la ville. Il fut tout d’abord décidé qu’il n’y aurait pas cette année de prédications pendant le carême, afin d’éviter les nombreuses réunions réputées dangereuses en temps d’épidémie ; mais on changea d’avis ; on eut un prédicateur, à qui le conseil vota le 12 avril une somme de 10 florins. Le 15, le conseil s’émut des nouvelles alarmantes qu’on recevait, et décida que la garde des portes serait faite avec plus de vigilance, à tour de rôle, par les chefs de maisons, Malheureusement, toutes les précautions furent vaines. Le terrible mal pénétra dans la cité. Ce fut le 2 juin qu’eut lieu le premier décès. Antoine Eyrole, de Saillans, mourut chez son parent Jean Eyroles. On l’ensevelit à Saint-Magne, dans une fosse très profonde. Toute la famille Eyrole et toutes les personnes qui dans ces derniers jours étaient venues visiter le malade furent expulsées de la ville et reléguées à Saint-Cors, où on leur faisait porter des vivres. Les syndics eurent tout pouvoir pour expulser les suspects. Le 16 juin, nouveau décès dans la maison de Gabriel Ismidon. Cette famille fut aussi envoyée à Saint-Cors, où l’on fit construire une baraque en planches pour la recevoir. Le fléau ne tarda pas à se développer, et il fallut prendre un homme pour ensevelir les morts, un carabin, comme on disait en ce temps-là ; on lui promit pour ses gages, durant six semaines, 6 florins, 1 sétier de blé et un baral de vin. Le conseil loua un autre homme pour porter à domicile des secours aux malades.

Les décès de multiplièrent et causèrent une sorte de panique ; aussi, dès le commencement de juillet, toutes les familles qui en eurent les moyens quittèrent la ville et allèrent se fixer à la campagne. Cédant également à la peur, les deux syndics Jacques Agrivol, notaire, qui le 2 juin avait remplacé Antoine Bolard démissionnaire, et Etienne Masseron, annoncèrent au conseil réuni le 6 juillet, qu’ils n’entendaient pas servir la ville pendant la peste et qu’il se retiraient à la campagne avec les leurs. Deux zélés citoyens, Jean Clot, notaire, et Jacques de Fays, consentirent à les remplacer. Le conseil les investit d’un pouvoir absolu, tout le temps que durerait l’épidémie, et laissa à leur disposition une somme de 100 florins pour aviser aux mesures nécessaires. Ils s’adjoignirent Jean Cloteyraud, Perceval David, Jean Bonnet et Mathieu Artaud, leur donnant à chacun 5 florins par mois, et expulsèrent impitoyablement de la ville tous les  infects. Nous ne sommes pas renseigné sur le nombre des victimes de cette terrible épidémie, nous savons seulement que le 1er septembre tout danger avait disparu. Jean Cloche et Jacques de Fays  s’étaient acquis les droits à la reconnaissance publique. Le conseil les maintint dans la charge qu’ils avaient si courageusement acceptée. Le 18 novembre, le conseil décida que tous les linges des maisons contaminées seraient portés par des carabins dans les eaux de la Drôme et y demeureraient deux jours entiers ; que toutes les pailles des lits seraient brûlées.»